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Inattendu

     Rien n’est ce qui paraît être dans Inattendu, les dénouements qu’on est loin d’imaginer et les situations étonnantes se succèdent dans cet ouvrage très… inattendu.

Résumé :

     Une étrange enfant qui se lève quand tout le monde dort… Un homme qui fuit dans la nuit… Une capitaine de vaisseau spatial amoureuse… Une adolescente prête à se jeter du haut d’un building…
     Cet ouvrage est un recueil de quatorze histoires courtes très différentes les unes des autres et qui ont pour seul point commun une chute surprenante.
     Parfois inquiétante, drôle, mystérieuse, émouvante ou épique, cette suite de nouvelles inattendues vous divertira et vous étonnera à chaque page.
     Bon voyage sur des routes inattendues.

Extraits

Le texte qui suit est la propriété de son auteur et ayants droit. © 2021 Ophélie Faline.

La nuit venue

     Tout en bâillant, Flora étire ses petits membres engourdis. La nuit est tombée et toute la maisonnée dort à poings fermés. Du moins, c’est ce qu’elle espère, car si quelqu’un la trouvait réveillée… Un profond soupir s’échappe entre ses lèvres minuscules. Mieux vaut ne pas imaginer ce qu’il se passerait alors, la punition serait sans doute terrible.
     La fillette se détend. Comme ces instants de plénitude et de calme l’enchantent ! Elle peut vaquer à sa guise et faire tout ce qui lui plaît sans que personne n’en sache rien.
     Son regard se pose sur la veilleuse qui donne des couleurs irisées à l’eau dans le verre qui trône sur la table de nuit. Laurine ne pourrait pas évoluer dans le noir comme elle apprécie tant le faire, car cette peureuse est terrifiée par l’obscurité. Elle s’imagine voir des choses qui n’existent pas, des créatures étranges qui attendent, tapies dans l’ombre, que le sommeil l’appelle pour se jeter sur son corps endormi. C’est ridicule, quelle idiote ! La nuit n’est pas une ennemie qui héberge une kyrielle de monstres sanguinaires, mais une bonne amie qui permet de se rendre invisible, et de ce fait, de s’adonner à tous les interdits.
     Après être restée un instant à apprécier le silence, Flora descend du lit bien trop haut pour elle avec beaucoup de prudence. Ses deux petits pieds nus s’enfoncent avec plaisir dans la douce moquette rose bonbon mais qui semble tellement sombre quand rien ne l’éclaire.
     La noctambule avance précautionneusement en faisant attention de ne pas marcher ou buter sur un jouet qui traînerait là. Laurine n’est pas soigneuse et ne range jamais ses affaires.
     Sachant exactement où aller, la fillette n’hésite pas une seconde. La tête levée et le regard perçant la nuit, elle tente de distinguer la boîte tant prisée et qui lui a été jusqu’à présent refusée.
     Ce n’est pas juste ! Pas juste du tout ! Laurine a toute l’attention des parents. On lui fait des cadeaux, on la félicite, on l’admire et on lui parle gentiment, alors que personne ne fait attention à la si insignifiante Flora. Pourtant, elle est parfaite. Oui, parfaite ! Elle est toujours sage, assise dans un coin et ne parle jamais, alors que Laurine passe son temps à courir partout et à jacasser comme une oie. Elle ose même parfois la frapper. Oui, la frapper, et tout le monde trouve ça normal !
     En passant devant le grand placard, l’enfant s’arrête pour se regarder dans le miroir géant qui occupe toute une porte. Malgré l’obscurité, elle parvient à voir son petit nez délicat, ses iris lapis-lazuli réhaussés de longs cils soyeux, ses pommettes rosées aux courbes harmonieuses et sa jolie bouche en cœur aussi carmin qu’une rose.
     Laurine colore parfois ses lèvres de saumon ou de beige car on ne lui autorise pas à porter des teintes plus vives, quand on lui en accorde la permission. Flora se redresse de toute sa hauteur en repoussant ses longues boucles noires, fière de ne pas avoir besoin de se farder pour se mettre en valeur.
     Même ses habits sont plus beaux que ceux de cette peste prétentieuse qui n’a aucun goût. Sourire aux lèvres, la fillette virevolte, faisant gonfler les volants de son vêtement. La chemise de nuit violette qu’elle porte n’est malheureusement pas assortie à ses yeux ; c’est toutefois le plus beau des atours dont puisse rêver une enfant, une vraie tenue de petite princesse. Avec ses dentelles et ses rubans de satin, elle en rendrait jalouse plus d’une.
     Trois sons métalliques venant du salon brisent le silence, sortant Flora de ses réflexions. Il est déjà si tard, elle va devoir se dépêcher ! À rêvasser, la fillette est maintenant prise par le temps.
     Trottinant jusqu’à la bibliothèque, l’imprudente manque de tomber en se prenant les orteils dans un vêtement négligemment jeté par terre.
     Les yeux levés vers l’inaccessible trésor bien rangé sur l’une des étagères, son sourire se transforme en une moue chargée de chagrin. Comment pourra-t-elle l’atteindre ? Fouillant l’obscurité des yeux, Flora aperçoit les contours de la chaise de bureau, mal positionnée, bien évidemment. Tout ce dont se sert Laurine n’est jamais convenablement remis en place.
     L’espoir revenu, elle la tire de toute la force de ses petits bras.
     Pourquoi ce siège n’est-il pas pourvu de roulettes ? Il serait plus aisé à déplacer. Elle sait que ça existe, car un jour, Laurine l’a amenée à l’anniversaire de sa meilleure amie qui en avait un similaire, et qui de plus, tournait sur lui-même. Bien sûr, elle n’a pas eu la chance de s’asseoir dessus, c’est toujours la même qui a tous les privilèges… Durant toute l’après-midi, elle n’avait simplement eu que le droit de s’imaginer trônant dessus, comme une reine.
     Avec précaution, l’enfant grimpe sur le fauteuil.
     La joue et le buste plaqués contre les tranches de plusieurs livres et perchée sur la pointe des pieds, Flora tend au maximum la main, espérant atteindre à l’aveuglette la si merveilleuse boîte.
     Le bout de ses phalanges glisse sur l’arrondi d’une des pierres de pacotille qui ornent si joliment ce trésor, au risque de l’éloigner davantage. Usant d’une autre tactique, la fillette accroche ses ongles dans les interstices des décorations métalliques et tire l’objet comme elle le peut. Il tourne légèrement en avançant dans le vide.
     Heureuse de cet infime résultat, Flora reprend un instant son souffle en dégourdissant son bras pris de fourmillements. Se rappelant que le temps presse, elle se remet déjà à l’œuvre, pleine de détermination.
     Levant de nouveau sa menotte, l’enfant tâte en cherchant une accroche. L’une des arêtes de la boîte manque de l’égratigner. Ne se désespérant pas pour si peu, l’obstinée palpe le coffret jusqu’à pouvoir à nouveau y planter ses petites griffes. Flora tire si fort cette fois que l’objet lui rebondit sur la tête avant de dégringoler au sol heureusement moquetté.
     Ses deux mains plaquées sur sa bouche, la gamine étouffe le cri qui vient de lui échapper.

 

 


Le chanceux


     Charles-Henri, de son nouveau nom, ouvre les yeux sur un ciel limpide que sillonne un vautour. L’astre du jour le fait cligner des yeux. Les misérables feuilles jaunâtres d’un arbre dont les branches grêles s’étalent en partie au-dessus de lui ne le protègent en rien des rayons ardents.
     Ses lunettes, où sont donc ses lunettes de soleil ? Pourquoi ne les porte-t-il pas ? Elles lui donnent une certaine classe et c’est pour cela que Charles-Henri les a constamment sur le nez. Cet accessoire indispensable à l’image qu’il se donne a dû choir quelque part quand lui-même est tombé, car il est sans conteste allongé par terre.
     Quelles mésaventures l’ont-elles conduit dans une telle situation ? Son costume de marque va être souillé de terre, ou pire encore, s’en retrouver déchiré. Qu’importe après tout, puisqu’il en possède une pleine penderie ! Et quoi qu’il lui soit arrivé, tout va s’arranger car la chance qui le suit comme une ombre ne le laissera pas tomber.
     Les yeux fixes, l’homme fouille dans sa mémoire. Il roulait. Oui, il roulait à bord d’une de ses belles voitures de sport qu’il collectionne, quand tout à coup, le véhicule a quitté la route… et maintenant, le voilà allongé au bord du chemin. Bien sûr, sa ceinture n’était pas bouclée puisqu’il ne la met jamais. Cet accessoire n’est pas agréable, et surtout, il froisse ses vêtements, lui qui apprécie être toujours impeccable…
     Il devrait se contenter d’un simple café et ne plus boire d’alcool au réveil, ça brouille son esprit et ralentit ses gestes. Ça fait longtemps qu’il y songe sans jamais s’être résigné à se priver de ce plaisir. Les habitudes ne sont pas faciles à changer, surtout quand on n’y tient pas vraiment. Mais cette fois, il a compris le message.
     L’accidenté s’apprête à se lever, mais à peine a-t-il remué un doigt que d’atroces douleurs lui transpercent les membres. Ses bras et ses jambes sont brisés, et le moindre de ses mouvements le met au supplice. Charles-Henri ne peut même pas tourner la tête.
     Ses organes vitaux sont-ils touchés ? Et son crâne, n’a-t-il pas percuté le sol quand il a été éjecté de la décapotable ? Fermant les paupières, l’homme se concentre sur son corps. Sa respiration est fluide, son cœur a un battement régulier et son cerveau ne le fait pas souffrir. Là encore, la chance a été de son côté.
     Les os, ça se ressoude. Bien évidemment, il sera cloué au lit pendant un long moment, mais cela ne lui portera pas préjudice car toute la populace entendra parler de ce puissant homme d’affaires sorti de justesse d’un accident qui aurait pu lui coûter la vie. Tous ceux qui n’ont pas encore la chance de le connaître auront le privilège de découvrir les louanges que la presse ne manquera pas d’écrire à son sujet. Son nom sera sur toutes les lèvres, on va le choyer, le dorloter et répondre à ses moindres exigences pendant tout le temps que durera son rétablissement. Ça, c’est une chance inespérée qui vaut bien quelques désagréments. Et sa femme lui fera… Que raconte-t-il ? Son épouse doit être morte à l’heure qu’il est. Un sourire féroce étire ses lèvres fines. Ça aussi, c’est l’œuvre de la chance ! Une chance qu’il a provoquée, bien sûr, mais une chance tout de même. Si la nature ne l’avait pas fait sans scrupules, sa chance ne lui aurait jamais souri. Et aurait-il alors eu le cran d’aller au bout de ses plans cent fois imaginés ?

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